dimanche 12 juillet 2009

7 ans au Tibet (enfin du 4 août au 4 septembre 2001)


L'avenir sourit aux ambitieux. Lorsqu'au cours de ce calme mois de mars 2001, Jérôme, Matthieu et moi-même avons décidé, en traînant dans les rayons d’une librairie à Chambéry, et après avoir feuilleté différents guides de voyage dont celui de Cuba, de nous embarquer pour le Tibet, nous n’imaginions pas le périple qui allait nous attendre.
Jérôme, du haut de ses 21 ans, a déjà quelques voyages à son actif et présente le plus d'expérience dans le groupe, et puis il a choisi d'étudier en LEA (langues étrangères appliquées), et cela est un motif suffisant pour convaincre Matthieu et moi-même de lui laisser la responsabilité de la majeure partie de l'organisation du voyage.
Très vite, il trouve des billets pour un avion qui doit nous mener de Paris à Katmandou, capitale mythique du Népal dont j'osais à peine rêver lors de mes lectures de René BARJAVEL (Les Chemins de Katmandou) ou de Charles DUCHAUSSOIS (Flash). Notre voyage prévoit une escale à Moscou. L’aller – retour nous coûte pour 4000 francs (609 euros environ) que nous réglons à la compagnie russe Aeroflot.
Ensuite, nous terminons notre année universitaire. Celle-ci s'achève sur un succès très mitigé. En effet, si j'ai obtenu ma maîtrise de droit des affaires, je n'ai pas eu de mention (le contraire aurait légitimement pu énerver quelques élèves studieux de l'amphithéâtre) et je ne suis pas pris en DESS droit des affaires à Grenoble, sachant que c'est la seule école auprès de laquelle j'ai postulée. Je suis bon pour faire une nouvelle maîtrise l'année suivante (droit européen, ça me changera un peu).
Les études finies, je peux alors m'adonner à ma nouvelle passion : travailler en chaudronnerie comme intérimaire à taper avec une masse sur de la fonte. Géniale ! En même temps, je suis payé quelques 8 000 francs nets par mois (1219 euros), ce qui est une somme intéressante pour un emploi non qualifié. Quoi qu'il en soit, l'argent gagné couvrira les frais de mon voyage (4000 francs pour l'avion + 8000 francs sur place = 12 000 francs, soit 1819 €). Le soir, après le boulot, je n'hésite pas à faire du vélo ou de la natation afin d'étoffer mes capacités physiques. L'objectif est que mon corps soit suffisamment entraîné pour supporter les hautes altitudes des plateaux tibétains.
L'été s'écoule donc entre coups de masse et coups de soleil. Le jour du grand départ arrive.
Vendredi 3 août, trois mauriennais montent dans le TGV en direction de Paris (munis de leurs billets...) et organisent un squatte fumant chez Julien. A 1 heure du matin, il nous vient l'idée d'appeler un taxi pour le lendemain afin de nous amener à l'aéroport de Paris - Charles de Gaulle sans difficultés dans la matinée. Toutefois, nous peinons à garder notre sérieux et pouffons au téléphone. Notre interlocuteur pense qu'on se fiche de lui. Finalement, nous parvenons à le convaincre de la véracité de notre demande. Après 3 heures du matin et de nombreux fous rires, nous tentons de trouver le sommeil dans l'appartement de Juju. Toutefois, la chaleur qui règne alors sur Paris et l'excitation liée à la pensée des aventures qui nous attendent ne sont pas propices à l'abandon, nous peinons à nous endormir.
Quand le réveil sonne ce matin, les mines sont blafardes. Nous nous extirpons difficilement du lit après cette nuit sans guère de sommeil. Nous avalons notre petit-déjeuner, jetons notre sac sur le dos, et nous dirigeons vers la place où doit nous attendre le taxi. Là, demie stupeur, pas de taxi... On ne nous a donc pas cru. Heureusement, une voiture libre se présente et nous amène à destination.

A l'aéroport, nous réalisons les différentes formalités d'enregistrement et embarquons à 11h45. A 17h35 (heures moscovites), nous arrivons dans l'aéroport de la capitale russe. Nous sommes déjà habillés avec des vêtements et chaussures de randonneurs, mais cela ne nous empêche pas de nous offrir un cigare et de reluquer la population féminine locale. Nous prenons en repas sans saveur à la cantine de l'aéroport et attendons l'avion pour Katmandou dont le départ est programmé à 23h55.
Le trajet aérien qui suit n'est pas du goût de Jérôme qui doit supporter la chaleur de l'avion, les cris répétés d'un nouveau né et une position indélicate liée à un siège trop petit (ou à ses jambes trop grandes, au choix).
A une heure avancée de la matinée, l'avion se pose dans un endroit inconnu (nous n'avons pas entendu parler d'escale pendant le vol). J’observe par le hublot un paysage désertique. Je sors abruti de fatigue de l'avion. Il fait une chaleur suffocante. Je me dis que celle-ci est liée aux réacteurs de l'avion. Je m'éloigne donc de celui-ci pour regagner l'aéroport. Ca na change rien, il fait toujours aussi chaud. Je pénètre dans le bâtiment. Mon environnement me permet de déterminer qu'il est 5 heures du matin et que nous nous trouvons aux Emirats Arabes Unis, cool ! Nous faisons un tour dans l'aéroport pour satisfaire notre curiosité et repartons.
Nous atterrissons à Katmandou le dimanche 5 août vers 13 heures. Avant de se poser, la vue de l'avion était hallucinante. En effet, nous avons pu voir de grandes montagnes à la végétation extrêmement verte et dense, et quelques temples bouddhistes, le tout un peu noyé dans les nuages.
Nous arrivons dans un modeste aéroport de briques. Nous passons quelques minutes à remplir des formulaires et sortons de celui-ci. Personnellement, je ne suis pas au top de ma quiétude à ce moment là. La vue des autorités militaires népalaises n'a pas eu d'effets apaisants et c'est après tout mon premier voyage hors d'Europe. La suite ne va pas non plus me rassurer. En effet, à peine nous passons la porte de sortie qu'une foule nous attend avec des cris et des cartons avec des écriteaux qu'ils brandissent au dessus de leur tête. Celle-ci est maîtrisée par la Police qui la maintient en place grâce à des barrières. Nous aurions été un groupe de rock mondialement connu, nous n'aurions pas eu droit à un tel accueil. En fait, il y a là une bonne cinquantaine de népalais qui tentent de nous intercepter par tout moyen pour que nous prenions leur taxi, allons à leur hôtel... Mon réflexe aurait été de re-rentrer immédiatement dans l'aéroport (comment ça je suis émotif ? j'ai entendu poule mouillée dans le fond ?). Jérôme maintient le cap. Escorté par un flic, il négocie un taxi.
Nous apprendrons les raisons d'une telle cohue plus tard. En effet, nous savions par nos médias que, quelques mois plus tôt, l'oncle du Roi du Népal a assassiné les différents membres de la famille royale pour s'emparer du pouvoir. Or, selon un népalais, ce scandale a entraîné des perturbations dans le pays et conduit la plupart des assureurs étrangers à refuser de couvrir les risques des touristes qui partiraient pour cette destination. Aussi, en cet été 2001, la fréquentation de la capitale népalaise a fortement chuté ce qui a entraîné de graves répercussions économiques pour les commerçants qui ont dès lors un motif valable pour nous faire une cour assidue à nous, gros portefeuilles occidentaux.


Nous nous extirpons de la marrée humaine et montons dans le véhicule. Il s'agit d'un vieux machin de tôle avec trois roues. Nous tenons tout de même tous dedans, nos sacs aussi. Notre chauffeur nous amène vers le centre touristique de Katmandou, Thamel. Avant d’arrivée dans le centre, je suis marqué à la vue des bidonvilles. Je croise le regard d'habitants de maisons minuscules en ruine. Le taxi nous dépose à l'hôtel que Jérôme avait préalablement repéré dans notre guide du routard. Là, nous prenons une chambre assez confortable avec un lit double et un lit simple.
Nous laissons nos affaires à l'hôtel et prenons le chemin du centre ville. Nous sommes régulièrement courtisés par des personnes de tout âge qui nous proposent différents services : restaurant, hôtel, puis, suite à nos refus : prostituées, drogues... Nous ne nous arrêtons pas sauf pour demander comment nous rendre en bus au Tibet.
C’est ainsi que deux personnes nous amène alors au premier étage d'un immeuble. Un gros monsieur derrière un gros bureau nous reçoit entouré de quelques membres de son personnel. L'ambiance est toute particulière et nous sommes d'une sérénité discutable. Nous avons un peu l’impression d’être trois petits bandits dans le bureau d’un gros caïd. Nous demandons le prix du trajet de Katmandou à Lhassa. Le gros monsieur nous répond qu'il propose un "tour " de cinq jours avec visite de plusieurs temples sur la route qui mène à la capitale du Tibet pour 23 514 roupies par personne que nous pouvons régler par carte bleue. Le départ est prévu dans deux jours. Après quelques hésitations, nous acceptons la transaction et prenons un aller simple. Matthieu n'ayant pas de quoi régler sur lui, je lui avance les fonds. Je règle donc 47 029 roupies, soit 8000 francs. Dès le premier jour à Katmandou, je me suis donc assuré une totale tranquillité puisque mon budget est désormais de 0 roupies !
Nous sortons nos billets de bus en poche. Le sentiment est contrasté une fois arrivé dans la rue : joie d'avoir un moyen de transport pour le Tibet ou appréhension de s'être fait arnaquer la moitié de notre budget de voyage ? Tant pis, il ne faut pas que cela nous empêche de manger et nous nous offrons un restaurant.
Le lendemain, nous nous baladons dans Thamel et ses environs, successions de rues commerçantes plutôt propres. A un carrefour, Jérôme recule promptement lorsqu'un lépreux tente de le toucher. Nous faisons toujours l'objet des convoitises et nombre de badauds nous accostent, dont des gamins que nous avons du mal à coller sur les noms des capitales des différents pays du monde. Nous faisons le tour de quelques boutiques axées sur les activités de montagnes où nous achetons notamment une petite bouteille de gaz pour notre réchaud à un prix assez élevé (mais nous n'en trouvons nul part ailleurs).
Nous rentrons ensuite à l'hôtel. Là, la pression des derniers jours retombent et mes deux acolytes me tombent dessus avec leurs oreillers pour une bataille mémorable. Après une dizaine de minutes de joutes, nous entendons frapper à la porte. Mes deux courageux assaillants se remettent alors directement au lit et montent leur couverture jusqu'au menton. Je n'ai plus qu'à aller ouvrir. Je me présente vêtu de mon seul caleçon et de mon t-shirt et j'essaye de baragouiner quelques excuses en anglais à l'employé qui me fait face, tout en montrant mes deux camarades. Celui-ci a dû mal interpréter mes propos et à dû penser qu'il s'agissait plus d'une orgie que d'une lutte car il devient tout rouge et s'en va en s'excusant. Matt et Jérôme sont morts de rire. Merci les potes !


Le lendemain, l'ambiance est plus tendue. Nous nous levons à 5 heures du matin pour être à 6 heures au point de départ du bus. Nous traversons les rues alors désertes de la ville. Nous nous décrispons dès que nous apercevons notre moyen de transport, un bus pas très récent. Nous ne nous sommes pas faits avoir. L'équipage est notamment composé d'un chauffeur bonhomme, d'une jeune guide chinoise charmante, d'un couple d'italiens (le mari est grand, bodybuildé, avec des cheveux mi-longs frisés blonds, il ne manquera pas de détonner dans notre environnement), d'une canadienne polie aux cheveux courts, d'un vieux japonais qui ne faillira pas à la réputation d’incroyable photographe et d'un anglais taciturne de Londres. Tout ce beau monde rentre dans le véhicule et nous voilà embarqué en direction de la frontière népalo - tibétaine (enfin népalo - chinoise plutôt). Le trajet oscille entre campagne et ville jusqu'à atteindre les premières hautes montagnes. La route fait alors place à un sentier raide et mauvais que j'aurai personnellement hésité à emprunter en jeep. Le ravin sur le côté n’est guère rassurant. Notre petit bus branle, secoue, cahote mais le chauffeur assure et nous continuons à avancer.
En fin d'après-midi, nous parvenons aux portes du Tibet. La frontière est très surveillée et l'air sombre des soldats n'incite pas à la plaisanterie. Docilement, nous faisons la queue quand on nous le demande et nous nous présentons aux guichets qui nous sont indiqués. Après une petite heure, nos passeports sont munis du tampon des autorités chinoises qui nous permet de rester un mois au Tibet.
Nous remontons dans le bus et parcourons encore quelques kilomètres jusqu'à la ville de Nyalam, à 3900 mètres d'altitude. Cette petite ville doit survivre grâce aux échanges entre Népal et Tibet. Aussi, les quelques habitations et commerces sont construits de part et d’autre de la route. Il fait quasiment nuit et la météo est nuageuse. Nous nous dirigeons vers une épicerie pour acheter quelques victuailles. Les quelques mètres qui nous séparent de l'échoppe sont parcourus extrêmement lentement. Notre organisme n'est pas habitué à une telle altitude et nous le fait bien comprendre ! Nous mangeons une soupe au restaurant puis allons nous coucher dans la chambre qui nous est réservée. Celle-ci est tout à fait spartiate : deux lits dans quelques mètres carrés. Je laisse le lit double à mes amis, comme d'habitude.
Le lendemain, nous retrouvons nos voisins de bus. Personnellement, la nuit n'a pas été bonne. Trouver le sommeil à cette altitude n'est pas aisée, l’excitation du voyage n’arrangeant rien. Autour ne nous, les mines sont tirées. Nous ne sommes pas les seuls à avoir pâtit du manque d'oxygène. Apparemment, certaines personnes auraient été très malades : vomissements...
Ce matin, le ciel est couvert mais il ne pleut pas. Très vite, notre bus arrive sur d'immenses plateaux parcourus par d'énormes camions. Nous pouvons avancer bon train.





Notre étape du jour nous mène de Nyalam à Shegar. Les arrêts sont l’occasion de premiers contacts avec les tibétains. Les contacts sont très limités par l’absence de langue commune et un peu de retenue, une certaine timidité. Nous observons des villageois, avec des vêtements très simples, s’affairer autour de leur maison ou dans les champs. De Tingri, à mi-chemin, nous jetons un coup d’œil admiratif sur l’Everest.


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